Un entraînement, aussi poussé soit-il, ne reste jamais qu'un entraînement.
De la théorie, aussi poussé soit celui-ci.
La réalité de terrain est différente.
Deux paramètres viennent s'ajouter :
1/ on joue sans filet, ici on peut vraiment mourir
2/ ici, la cible est un homme de chair et de sang comme nous, la doctrine martiale a pour but d'enrayer la réflexion critique qui pousse à l'hésitation, au doute.
Un "bon soldat" est une machine, froide et insensible, qui exécute les ordres sans jamais faillir, sans les critiquer, les altérer ou les remettre en question.
C'est un Terminator.
C'est un être qui n'a plus rien d'humain psychologiquement.
Dont le drill militaire a remplacé le libre arbitre.
D'un niveau biblique même, un soldat "parfait" n'est pas un homme.
Souvenez-vous de ce qui est censé avoir provoqué la Chute : les archanges (ou "anges de puissance") étaient puissants mais soumis à Dieu, les humains étaient faibles mais avaient le libre arbitre, Lucifer les enviait et voulu réunir en une seule race les avantage des deux, créant les Nephilim.
Par conséquent, la Bible semble définir l'humain comme la seule créature à bénéficier du libre arbitre.
En abdiquant cela, on perd également son humanité, nous ne sommes même plus supérieurs au plus inerte bout de roche que l'on puisse rencontrer au détour d'une sente caillouteuse.
En cela je suis d'accord avec la Bible, c'est à peu près tout, mais bon, n'épiloguons pas outre emsure sur ce point de détail.
Par ailleurs, tu peux être le plus rapide à dégainer ta lame, si elle n'a jamais tranché que l'air, ton hésitation à trancher la chair te vaudra de perdre ta vie, même contre un adversaire moins bon que toi.
Il y a une légende japonaise à ce sujet, illustrée dans le manga
"Tsuru, Princesse des Mers"
Au mois d'avril 1632, dans le Han (territoire d'un Daimyo, seigneur féodal) de Kumamoto à Higo, deux hommes se rencontrèrent.
Ces deux hommes se nommaient Chûnosuke Tamaru et ils avaient tous les deux vingt ans.
Membre du Han de Kumamoto, Chûnosuke Tamaru se prénommait Kôtaro quand il était enfant.
A l'âge de vingt ans, le nom de Chûnosuke Tamaru et sa maîtrise du Iai étaient déjà célèbres dans de nombreux Han.
Ce fut un autre Chûnosuke Tamaru, du Han de Saga, qui fut le plus surpris d'entendre le nom de cet expert.
A l'instar du premier, ce Chûnosuke excellait dans l'art du Iai, il demanda donc qu'un duel fut organisé, pour confronter leurs techniques du sabre.
Tamaru et Tamaru se faisaient face.
Deux Chûnosuke Tamaru experts dans l'art du Iai... Il y en avait un de trop.
Le soleil était à son zénith, ses rayons baignaient impartialement les deux hommes qui se tenaient sous les Sakura (cerisiers du Japon) en fleur.
Ce duel dépassait le cadre d'une rivalité de Han, c'était une pure confrontation technique.
Devant leurs yeux se tenait leur double!
Ils excellaient tous les deux dans le Iai, ils recherchaient la perfection dans leur art.
Ils allaient s'affronter eux-mêmes!
Mais pourraient-ils se tuer eux-mêmes?
Les deux hommes toujours immobiles entamèrent une courte conversation, puis demeurèrent silencieux sous le soleil impassible.
La foule réunie était silencieuse, la tension était telle que personne n'osait ne fut-ce que cligner des yeux.
Le vent charrait les pétales de Sakura, et un pétale tomba sur la main de chaque Tamaru.
Et il resta collé sur la main de Tamaru de Saga.
En un instant tout fut terminé, la tête de Tamaru de Saga roulait sur le sol, son sang se répandant au sol...
Tamaru de Kumamoto avait mis une fraction de seconde à comprendre : son adversaire n'avait pas su gérer la pression, son geste en avait été ralenti.
Pour être un bon soldat, un bon guerrier, un grand maître d'arme, il ne faut avoir aucune hésitation au moment de frapper.
Le mental fait toute la différence, l'entraînement peut préparer le mental, mais ces deux hommes avaient beau être de même niveau, c'est la détermination qui a scellé l'issue du combat, et la détermination s'acquiert sur le terrain.
Je ne pense pas qu'on puisse devenir un véritable maître d'armes sans tuer personne.
Leur manipulation seule ne permet pas de comprendre la finalité de l'arme et tant que cette compréhension fait défaut, un homme ne peut être tenu pour maître d'armes.
Une arme ou une technique de combat a souvent été développée dans le but d'éliminer d'autres humains, que ce soit offensivement ou défensivement.
Les techniques de combat et les armes non létales sont assez récentes, même s'il existait des armes d'hast dans le Japon médiéval permettant d'entraver un adversaire et de le capturer sans devoir le tuer, le Sode Garami (cette arme a aussi été employée en Europe jusqu'au 18ème siècle et se nommait "Man catcher" ou "Attrappe Homme", mais son emploi est anecdotique).
C'était surtout un type d'arme employé lorsqu'on voulait garder sa cible vivante lorsque sa vie en elle-même avait de la valeur aux yeux des agresseurs, comme pour une demande de rançon.
Le Kendo, L'Iaijutsu (ou Iaido), le Yarijutsu (ou Sojutsu), autant de techniques développées afin d'ôter la vie, leur sens aujourd'hui n'existe plus, depuis la destitution de la caste des samurai à la restauration de l'ère Meiji en 1869 et l'interdiction de porter le sabre, les authentiques Kendoka ont disparu, l'art de tuer est devenu un sport, son esprit initial a été perdu, dénaturé.
Les constatations avancées dans le premier tome du manga
Kenshin sont réelles et ont été ressenties de cette manière à l'époque
"le sabre est une arme, le kendo est un art de tuer, quelles que soient les belles paroles que l'on emploie pour expliquer le Kendo, telle est sa vérité"
On en a fait un sport, mais ce n'est plus comparable à ce que c'était avant, ça a bien sûr entraîné le déclin de toutes les grandes écoles d'arts martiaux.
Si on devient "un maître" sans comprendre le fondement même de sa technique ou de l'arme qu'on emploie, on reste un imposteur.
On ne devient pas un maître d'armes sans verser le sang et sans prendre de vies.
C'est aussi illogique que ces "guerres propres" qu'on essaye de mener de nos jours.
La guerre est une barbarie, le résultat de l'échec de toute tentative civilisée et raisonnée de mettre un terme à un conflit.
La guerre est sale, barbare et inhumaine, la guerre réduit tout en charpie dans son sillage, hommes, enfants, vieillards, femmes, la guerre détruit la terre.
C'est le fondement même de la guerre.
Essayer de faire une guerre propre est inutile et impensable.
On ne pourrait jamais devenir un maître de guerre en essayant d'épargner des civils par exemple.
Car ce serait essayer de dénaturer l'esprit même de la guerre.
La guerre n'est noble que dans les romans épiques, la réalité s'apparente d'avantage à une boucherie ou les individus des deux côtés du canon sont bons pour l'abattoir.
Tout cela pour dire qu'essayer de prêter des intentions pacifiques à un art qui n'est né que pour alimenter la guerre ou a un objet qui n'a été créé qu'afin d'aider la progression de la guerre, c'est futile.
Et tout aussi futile serait l'homme qui prétendrait avoir maîtrise sur un de ces arts belliqueux ou une de ces armes mais qui n'en a jamais saisi les fondements.