Dans la salle, des cris de joie fusent alors que le film s'ammorce en crépitant dans la salle assombrie.
Jeudi 15 mai 2003, 23h00 précise: c'est la fin de cette avant-première au cinéma Caméo de Namur.
Dans la salle, tous ramassent leurs effets personnels et lentement se mettent en branle vers la sortie. Chose étrange pour une avant-première: personne n'a applaudi à la fin du film. Et pour cause.
Je n'irais pas jusqu'à lancer le mot "navet", ce serait un peu prétentieux de la part de quelqu'un comme moi qui crie au génie devant la première série Z gore venue, mais je dois bien avouer l'avoir entendu prononcer plusieurs fois par d'autres lèvres que les miennes.
Oh, les effets spéciaux sont à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre, nulle crainte là-dessus.
L'ennui, c'est que le scénario est un peu faible - beaucoup?
Nous assistons à une avalanche de cascades, de plans plus déments et plus tordus les uns que les autres, mais... Il n'y a plus de cohésion entre le scénario et les images.
La "cohésion" est brisée, l'équilibre renversé: c'est un script que l'on a écrit pour des images, un texte accolé à des scènes tournées au préalable, et non pas des images servant à illustrer un scénario bien pensé et structuré.
Neo, de petit hacker à la dérive, est devenu une sorte de Superman gothique, bondissant en tous sens comme un diable sortant d'une boîte.
L'Agent Smith est de retour. Mais Hugo Weaving n'a pas du se surmener: son texte pourrait tenir sur une recto de page A4, pour ce que j'en ai entendu.
Il ne reste qu'une chose: l'action, à la limite du supportable. Il arrive qu'on aie soudainement le tournis, après plus d'un quart d'heure de scènes virevoltantes quasiment dénuées d'échanges verbaux, et c'est là tout le film.
Parfois, entre deux scènes d'action, on colmate la brèche en versant à gros bouillons des flots de délires métaphysiques sur la nature de la réalité et la virtualité, des métaphores alambiquées, et autres logorrhées hallucinées autant qu'ampoulées, mais d'un goût pour le moins douteux par moments, lourds, et souvent inutiles.
Ils ont voulu compenser l'absence de dialogues des scènes d'action en introduisant massivement des considérations philosophiques presque du ressort de la psychologie jungienne, ce qui a pour effet d'abasourdir les spectateurs, qui, en règle générale, n'y comprennent rien (car tout ne se tient pas vraiment, il y a matière à contestation), d'alourdir le film de séquences qui contrastent beaucoup trop avec les scènes d'action à 400 km/h, et que, au final, personne ne retiendra.
On est loin de la finesse du premier Matrix qui savait habilement mêler en un canevas crédible des dialoques résolumment philosophiques avec les scènes d'action, sans lasser le spectateur, et celui-ci (en général) ressortait de la salle en comprennant ce qu'il avait entendu.
Ici, fi de la finesse: il faut caser plus de 150.000.000 $ de budget en seulement deux heures. Et ça se ressent également dans le jeu des acteurs, qui font presque de la figuration tant les effets spéciaux empiètent sur tout (l'agent Smith centuplé, Neo tournoyant, Trinity explosive... Peu de jeu possible pour les acteurs, les véritables stars sont les ordinateurs).
Au final: un sublime film d'effets spéciaux, qui démontre bien l'avancement de la technologie cinématographique actuelle, mais qui ne rend pas honneur à Matrix, et qui eût été préférable pour un film plus ouvertement "baston" comme Blade, par exemple.
Et le scénario? Comment ça, le scénario? QUEL scénario? Je ne vois pas le rapport
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